Journée internationale de la femme : 8 actrices et acteurs de l’égalité des genres répondent à nos questions
Le 8 mars, comme chaque année, on célébre les femmes du monde entier. L’occasion de mettre en avant l’égalité femme-homme qui n’est pas toujours respectée. Afin de rendre compte de cette réalité, nous avons posé 8 questions à 8 actrices et acteurs de l’égalité des genres.
Mme Annemarie Jorritsma (Présidente du Conseil des Communes et Régions d’Europe)
– Dans le contexte économique et social actuel particulièrement difficile, quels messages souhaiteriez-vous adresser aux Institutions Européennes en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ?
Je souhaite mettre en garde les députés européens actuels et futurs sur la nécessité de rester vigilant afin d’éviter que la crise nous fasse régresser dans la lutte contre les inégalités entre femmes et hommes. La crise a mis de nombreuses femmes dans des situations de fragilité dans certaines régions d’Europe car elles sont souvent plus touchées par les coupes budgétaires dans les services publics que les hommes.
Dans notre « Manifeste des gouvernements locaux et régionaux », j’appelle les Institutions Européennes à soutenir les initiatives en faveur de l’égalité, à se battre pour la reconnaissance de droits égaux et à s’efforcer de faire en sorte que tous les citoyens puissent participer à façonner l’avenir de l’Europe.
Ms Patrizia Dini (AICCRE Tuscany region)
– Vous avez été le fer de lance de la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Aujourd’hui, la charte a été signée par 1400 collectivités territoriales dans 29 pays dont 400 en Italie. Face à ce succès, quelles sont les prochaines étapes à franchir selon vous ?
L’Italie compte 430 signataires de la Charte et 120 collectivités ayant mis en place des analyses par genre de leurs budgets dans six de ses vingt régions. L’une d’elle est même parvenue à mettre en place des plans d’action et des budgets du genre selon le principe de subsidiarité verticale.
Cependant, les expériences présentes démontrent la nécessité de former les administrateurs, les responsables politiques et le personnel aux principes du gender mainstreaming.
La citoyenneté européenne donne accès à des droits sans distinction de sexe, de race, de religion, de langue, de condition personnelle ou sociale. Mais pour que l’égalité puisse exister au niveau politique le plus proche du citoyen, il faut déconstruire les barrières politiques et culturelles facteurs de discriminations. Appartenir au sexe féminin signifie aujourd’hui encore faire face à des discriminations dans de nombreux domaines de la vie économique, sociale, civile et politique.
Il faut se battre pour augmenter le nombre de femmes en politique et dans les postes à responsabilité. Le rôle du CCRE est donc de promouvoir et de renforcer le rôle du pouvoir local et régional et de garantir que sa direction est constituée à 50% de femmes.
Mme Tamar Bagratia (Coordinatrice Nationale de l’Association des Autorités Locales Géorgiennes)
– Certains disent : « La journée de la femme, c’est tous les jours ». Pensez-vous que célébrer le 8 Mars est seulement une façon de soulager les consciences ou cela a-t-il un véritable impact ?
En Géorgie, les consciences changent doucement et le 8 mars est encore vu comme un jour où on offre des fleurs aux femmes. Pourtant, cette date devrait être l’occasion de dire aux hommes : « Ce n’est pas de fleurs dont nous avons besoin mais de droits égaux et d’égalité des chances ! »
Les attitudes stereotypées vis-à-vis du statut des femmes proviennent des tendances patriarcales dans la tradition et la culture géorgienne. La journée de la Femme porte donc une double signification : pour certain c’est l’occasion de souligner la marginalisation des femmes et pour d’autres, ayant des opinions plus libérales et une meilleure compréhension du problème, il faut replacer cette journée dans le cadre de l’égalité des droits et des chances.
Profitons de cette journée pour faire passer le message que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas une question concernant seulement les femmes mais aussi les hommes, pas seulement un jour dans l’année, mais toute l’année.
Mme Ewa Samuelsson (Présidente de la Commission pour l’égalité, Adjointe au Maire de Stockholm, Suède)
– En quoi la Charte Européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale et son Observatoire (www.charter-equality.eu) sont-ils des outils concrets pouvant permettre de combattre les inégalités au niveau local ?
La Charte a été lancée en 2006 pour encourager les collectivités locales en Europe à s’engager publiquement en faveur de l’égalité. Elle comprend non seulement des droits fondamentaux mais aussi des véritables méthodes permettant d’améliorer l’égalité dans différents domaines. C’est un outil concret pouvant être utilisé par les collectivités pour renforcer l’égalité aussi bien dans leur rôle d’employeur que dans la planification urbaine par exemple. La Charte remporte un franc succès et à ce jour elle a été signée par plus de 1400 collectivités dans 29 pays. Afin de poursuivre les efforts déployés autours de la Charte et d’aider ses signataires, le CCRE a mis en place l’ « Observatoire » et le site internet www.charter-equality.eu qui fournit de nombreuses informations sur la Charte, ses signataires, un guide expliquant comment mettre en place un plan d’action, ainsi que des exemples de bonnes pratiques venant de différents pays.
M. Ibon Uribe (Membre du bureau d’EUDEL – Membre de la Commission Permanente pour l’égalité)
– Comment une association de collectivités locales comme EUDEL peut-elle contribuer à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes? EUDEL est engagé pour l’égalité entre les femmes et les hommes aux côtés de la Charte depuis longtemps, quel est selon vous sa plus grande réussite sur le terrain ?
L’association des Municipalités du Pays Basques, EUDEL, se donne pour but de renforcer la gouvernance au niveau local. En ce sens, l’élaboration de politiques de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes au niveau local est un élément clé vers davantage de démocratie au sein des collectivités.
EUDEL est à l’origine du projet « Berdinsarea », un réseau de municipalités (représentant 75% de la population basque) qui coordonne et évalue les politiques locales, les programmes et les services en faveur de l’égalité et de la prévention des violences faites aux femmes. Ce réseau est formé d’experts issus des conseils locaux qui sont en contact permanent avec les associations de femmes. EUDEL soutient par ailleurs les municipalités moins expérimentées en leur fournissant ressources et expertise sur les questions d’égalité.
EUDEL coordonne aussi « Basqueskola », un réseau basque d’élues locales qui offre de nombreuses opportunités en faveur de la promotion collective et individuelle des femmes dans la politique locale.
Les responsables politiques, particulièrement les hommes, prétendent souvent qu’ils soutiennent les politiques en faveur de l’égalité mais ne proposent pas d’actions concrètes pour les mettre en œuvre. Selon moi, nous devons montrer l’authenticité de notre engagement pour l’égalité et continuer le travail de sensibilisation pour souligner l’importance de cette question.
Pour appuyer nos actions au niveau européen, nous soutenons la mise en place d’un projet de suivi comparatif des politiques d’égalité en Europe. Le développement d’un tel outil nous permettra de mesurer l’impact de nos actions, de maximiser nos points forts et de minimiser nos points faibles.
Mairi Evans (Présidente du Comité des jeunes élus des gouvernements locaux et régionaux – Conseillère municipale d’Angus, Ecosse)
– En tant que femme élue, quels sont selon vous les problèmes les plus caractéristiques auxquels sont confrontées les femmes dans la société d’aujourd’hui ? Quelles seraient vos trois priorités en matière de lutte contre les inégalités ?
Au cours des dernières décennies, beaucoup de sociétés européennes ont amélioré leur compréhension du rôle joué par les femmes, au sein d’une société plus respectueuse de l’égalité des genres. Etant moi-même une jeune femme, je dirais que j’ai pu tirer plusieurs avantages de cette prise de conscience. Cependant, il faut également souligner qu’avant de pouvoir profiter de tous les bénéfices d’une société égalitaire, il reste encore des défis à relever, comme par exemple trouver le bon équilibre entre travail et vie privée ou encourager les femmes à la vie active et à s’impliquer davantage dans la vie politique et sociale.
Au niveau local, il est très fréquent de voir davantage d’hommes que de femmes se présenter à des élections. Aux dernières élections régionales écossaises, il y a deux ans, moins de 30% des candidats étaient des femmes. Le conseil municipal d’Angus, dont je suis membre, compte 34% de femmes, ce qui constitue l’un des plus hauts pourcentages de la région. Le manque d’encouragement à participer à la vie politique ou les problèmes liés aux services de garderie au conseil municipal constituent deux des problèmes dénoncés par les femmes candidates, et qui sont susceptible de les décourager de postuler pour un mandat. Ces défis ne sont pas l’exclusivité du milieu politique local, mais apparaissent dans plusieurs autres secteurs de la société.
Serife Hasoglu (Conseillère municipale de Tarsus, Turquie)
– Vous avez récemment organisé une course automobile à Tarsus. En tant que Conseillère municipale, vous avez soumis l’organisation de cet événement à la condition que les femmes soient également autorisées à y participer. Comment cette initiative a-t-elle été perçue par les citoyens de votre municipalité ?
Les citoyens de Tarsus ont été très surpris de voir des femmes pilotes. Les hommes les ont encouragées avec étonnement, pointant du doigt les femmes participant à la course. Les femmes pilotes ont répondu avec humour à l’attention particulière qui leur était portée et ont organisé un petit spectacle acrobatique. Nous avons également demandé à quelques femmes du public si elles souhaitaient prendre part à la course en tant que co-pilotes auprès des participantes. Cette initiative a été appréciée et beaucoup de monde a pris des photos. Ce fut une belle journée, haute en couleurs. Nous sommes convaincus que ces femmes sont des modèles pour nos citoyens. Depuis lors, nous avons organisé plusieurs courses mixtes, ainsi qu’une course réservée aux femmes.
Je suis fière d’avoir pris cette initiative car je pense que le fait de présenter des femmes pilotes comme modèles à suivre constitue un message important.
Notre municipalité, en collaboration avec des groupes de défense des droits civils, a également organisé plusieurs autres activités destinées aux femmes, comme des expositions de photo, des cours de peinture, ou des groupes de cyclisme. Nous avons par ailleurs embauché des femmes conductrices de bus, etc.
Madame Jocelyne Bougeard (Vice-Présidente Commission permanente pour l’égalité, Adjointe au Maire la Ville de Rennes)
– De nombreux débats agitent l’opinion publique en France, notamment sur la question de l’éducation au genre à l’école, le mariage pour tous ou l’adoption de la nouvelle loi pour l’égalité. Comment ces débats influencent votre travail en tant qu’élue locale ?
Une vive contestation s’oppose aux politiques gouvernementales du ministère aux droits des femmes et privilégie un modèle familial français conservateur. Ce mouvement conteste le droit du mariage pour tous, voté l’année dernière. Il soutient également la décision du gouvernement espagnol limitant l’interruption volontaire de grossesse et menaçant des dangers liés à l’influence de la théorie du genre supposée être inscrite dans les programmes éducatifs, ce qui est faux.
De son côté, la ministre française promeut l’action des collectivités, tout particulièrement dans chacun des domaines inscrits dans les engagements de la charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans les collectivités, et invite les collectivités à la mettre en œuvre et la signer.
Ces manifestations d’opposition infondées renforcent les collectivités françaises à agir avec détermination, clarté, information des citoyen-ne-s, engagement et évaluation de ces engagements.